Une statue de la Vierge se dresse dans l’escalier menant au belvédère en face du Musée de la mémoire vivante. Toute une histoire se cache derrière cette belle dame qui a porté jusqu’à trois noms depuis son installation, à savoir Notre-Dame de la Guérison, Notre-Dame de la Prospérité et Notre-Dame du Port-Joli.
Une première œuvre
Cette statue a été placée dans le promontoire du secteur Trois-Saumons à Saint-Jean-Port-Joli par Maurice Leclerc, fils d’Albert Leclerc, à la fin des années 1940. À cette époque, il habitait la maison construite sur les ruines du manoir seigneurial des Aubert de Gaspé, anciens seigneurs de Saint-Jean-Port-Joli. Pour quelles raisons Maurice Leclerc a-t-il voulu faire installer une statue de la Sainte Vierge à cet endroit? Certains disent que c’est parce que, sous l’effet de l’alcool, il aurait vu le diable !
Le prêtre Léon Bélanger, à la suite d’une conversation qu’il a eue avec M. Leclerc, a publié un article à ce sujet dans le journal Le Soleil, le 24 septembre 1952. Conservé aux Archives de la Côte-du-Sud, l’article en question, retranscrit le 14 février 1954, nous permet d’en savoir un peu plus sur le contexte de réalisation de cette statue.
« Très jeune il acquit une grande dévotion envers la Sainte Vierge. Lors de ses études au Collège de Montmagny, le frère Hubert racontait tous les midis une histoire se rapportant à la dévotion à la Sainte Vierge.
Comme il avait contracté la mauvaise habitude de boire il constata un certain jour que tous ses biens s’en allaient : terre, forêt, etc. Il demanda à la Sainte Vierge de l’aider dans la lutte contre cette passion et grâce à l’aide de Marie, il n’a pas absorbé un verre de boisson depuis 7 ans. En reconnaissance de cette faveur il décida d’édifier une statue à la Sainte Vierge.
Cette statue a été sculptée par Médard Bourgault et érigée sur le rocher le premier mai 1948.
La bénédiction a eu lieu à la cl[ô]ture du pageant de C.E. Harpe, [en] 1949 par l’abbé Georges Pelletier, vicaire à St-Jean. La bénédiction fut suivie d’un repas donné en plein air. Une quête dans la paroisse a permis d’acheter une couronne lumineuse et le 30 novembre 1950 la statue a été lumineuse pour la première fois et depuis ce temps la couronne est toujours éclairée.
Jusqu’à présent M. Leclerc dit avoir dépensé $500 pour cette statue mais si ses finances le permettent il se propose de :
Une [sic] escalier en fer forgé pour se rendre jusqu’à la statue
Une petite chapelle.
14 février 1954, à la chambre de M. Léon Bélanger, prêtre
c.f : Le Soleil, 24 sept. 1952
Restauration de l'œuvre
Représentant une Notre-Dame-du-Saint-Rosaire, la Vierge portait un voile bleu sur la tête et les épaules et un chapelet entourait ses mains jointes. Elle a été sculptée dans du pin par Médard Bourgault, qui l’a recouverte d’une couche de peinture blanche, d’une couche de sable de silice, puis d’une autre couche de peinture et de sable, pour terminer avec la peinture finale. À l’époque, ce procédé permettait de protéger les sculptures en bois des intempéries.
Vers 1963, sa base avait complètement pourrie. La statue a alors été donnée au vicaire Georges Pelletier, fondateur du camp de jour du Domaine de Gaspé, qui l’a fait suspendre dans le bâtiment principal. Médard Bourgault avait à ce moment coupé la base en forme de pointe.
Or, peu de temps après, un soir, des jeunes gens ont sonné à la porte de M. Jean-Paul Caron, alors membre du comité des loisirs de Saint-Jean-Port-Joli, le comité responsable du bon fonctionnement du Domaine de Gaspé, pour lui dire qu’ils avaient retrouvé la statue au centre de la route menant au Domaine, à environ 30 pieds de la route 132. M. Caron l’a donc apportée à la municipalité qui l’a entreposée pendant une cinquantaine d’années.
En 2013, la famille Bourgault a demandé à la municipalité de faire don de la statue à la Maison-musée Médard-Bourgault, afin qu’elle soit restaurée adéquatement. Cette restauration a été effectuée par Nicole et André-Médard Bourgault, respectivement les enfants de Jean-Julien et de Médard Bourgault. La restauration a été faite en moins de 15 jours, dans l'un des ateliers de la résidence d’artistes Est-Nord-Est.
Ils ont enlevé les nombreuses couches de peintures, refermé les fentes dans le bois avec du mastic et retiré toutes les parties trop avariées pour être récupérables. Remise à neuf par le travail et les efforts de ces deux artistes, la statue originale de la Sainte Vierge peut aujourd’hui être admirée dans le salon de la Maison-musée Médard-Bourgault.
Mais qu’en est-il de celle qui se trouve aujourd'hui au belvédère des anciens Canadiens ? Cette statue de la Vierge, les mains ouvertes cette fois, est en marbre recouvert d’une peinture blanche. Elle avait été installée rapidement afin de remplacer la première.
L'image est une carte postale de 1972. La statue de Notre-Dame du Port-Joli que l'on aperçoit est celle qui a remplacée la statue originale, sculptée en pin par Médard Bourgault en 1948 pour Maurice Leclerc, en remerciement d'une faveur obtenue. Elle est située en face du site de l'ancien manoir des Aubert de Gaspé à Saint-Jean-Port-Joli. L'escalier en fer forgé a été installé en 1957.
En 2009, la Corporation Philippe-Aubert-de-Gaspé, qui en est actuellement propriétaire, a demandé au sculpteur Gilles Jacques Cloutier de la repeindre.
Même s’il ne s’agit plus de la statue originale, le lieu n’a rien perdu de sa valeur puisque, encore aujourd’hui, les employés du Musée de la mémoire vivante trouvent des offrandes (bouts de papier, chapelets, photos, fleurs en plastique ou en soie) aux abords de la Sainte Vierge. Certaines personnes font même des pèlerinages pour aller se recueillir près de la statue.
Ainsi, en gravissant les 137 marches de l’escalier du promontoire, soit pour accéder aux sentiers pédestres du Domaine de Gaspé ou simplement pour aller sur le belvédère afin d’admirer le fleuve Saint-Laurent, l’archipel de l’Île aux Grues, les montagnes de Charlevoix et les Piliers, jetez un œil à la statue de la Sainte Vierge. Elle le mérite bien !
La vue du belvédère des anciens Canadiens, en 2006. On aperçoit au loin le Pilier-de-Pierre et son phare.
Document d'archives : Archives de la Côte-du-Sud et du Collège de Sainte-Anne, fonds Société historique de la Côte-du-Sud : F001/10/20.
Sources orales : André-Médard Bourgault, Nicole Bourgault, Jean-Paul Caron, Judith Douville, Jean-Pierre Dubé, Justin Picard.