« Les gens de la campagne qui semaient du blé ou du sarrasin ont longtemps fabriqué eux-mêmes leur pain; ceux qui ne cultivaient pas se procuraient de la farine chez le marchand pour cuire eux aussi. Puis, de moins en moins de cultivateurs semèrent du blé, préférant eux aussi acheter la farine chez le marchand, s’évitant ainsi les travaux des semences, de la récolte, du battage et du transport au moulin. C’est vers cette époque que les boulangers prirent vraiment de l’importance dans les villages. »
Sur la photographie, Ernest Gamache, Calixte Bélanger et M. Morin se trouvent en face de la boulangerie Jouvence-Gagnon. Le bâtiment a servi de boulangerie de la fin du 19e siècle à 1946.
« Dans les campagnes, les premiers boulangers ouvrirent boutique ici et là dans le dernier quart du XIXe siècle. Ils débutèrent modestement, car pour les habitants, le pain acheté coûtait plus cher que celui que l’on fabriquait soi-même et il était mal vu pour une femme de ne pas cuire le pain de sa famille. On prétendait aussi que le pain d’habitant était bien meilleur; que c’était presque un aliment sacré puisqu’il était issu de la terre, etc. Un peu plus et on aurait dit que c’était péché de manger du pain de boulanger. C’est du moins ce qu’on déduit à la lecture de romans de la terre et de monographies traitant du bon pain de chez nous. Mais une des principales raisons pour s’en tenir au pain domestique, c’est que le pain de boulanger, disait-on aussi, était trop léger, et qu’on devait en manger trop pour se rassasier.
Bientôt, on vit arriver dans les villages en périphérie des villes des passeurs de pain. Les boulangeries offrirent, par la suite, des pâtisseries, des gâteaux, des tartes et des buns. [...] Dans les années 1930 à 1960, la boulangerie était souvent une ''affaire de famille''; tout le monde y participait. Sur une période de plusieurs années, les clients qui recevaient les livreurs en venaient à connaître tous les enfants de la famille du boulanger, qui, souvent, devinrent boulangers à leur tour, s’installant dans les villages voisins. »
La photographie montre la boulangerie où Jouvence Gagnon a exercé son métier à Saint-Jean-Port-Joli (chemin du Roy Est), au tournant du 19e siècle.
Jeanne Pomerleau, Métiers des campagnes. Tome 2 : Des métiers pour le corps, Éditions GID, Québec, 2003, p. 77-87.